EC
Séminaire d’anthropologie diachronique
Description
Thème de l’année 2025-2026 :
"Frontière et franchissements, marges et identités"
Le thème « Frontières et franchissements, marges et identités », est abordé dans une double approche ethnologique/anthropologique et archéologique et dans une dimension diachronique et comparative, c’est-à-dire à la fois spatiale et temporelle.
De la trialectique spatiale de Edward William Soja, en passant par l’espace politique d’Henri Lefébure ou les notions d’identité et de « pays » significatifs développées par Fernand Braudel, les notions de frontières, limes, territoires, se sont appliquées à tous les domaines des activités humaines. L’espace où l’on vit, où l’on marche, où l’on meurt peut, en effet, être conçu autant dans ses dimensions d’attrait ou de repoussoir politique, économique, guerrier ou religieux, d’appropriation, de distanciation, d’héritage, d’ancestralisation et de marqueur d’identité culturelle, que dans celles liées au regroupement sociétal, en amont de la conception de propriété, au règlement fiduciaire, au don ou à la dette et leurs contreparties, à la transmission ou à l’influence donnée ou reçue. La frontière – qui peut être une démarcation protectrice ou répulsive, ou encore un bornage, administratif, militaire, douanier ou rituel, mais est souvent aussi un passage – peut se définir par son dépassement quand passer une limite devient une transgression à une règle, écrite, établie par l’usage ou relevant de circonstances particulières. L’accaparement, le dépassement, la modification d’une frontière, peuvent également engendrer des particularismes, des relégations, des isolats, comme les fameuses « îles dans le ciel » des botanistes, c’est-à-dire les sommets montagneux enclavés comme dans les Alpes pouvant offrir une flore résiduelle témoin d’un paysage végétal devenu rare ou disparu ailleurs. Certains de ces isolats sociaux issus d’une conquête militaire et d’une décision politique permettent l’émergence traumatisante de conservatoires culturels et de minorités particulières au sein d’ensemble culturellement voisins à l’origine, ou franchement antagonistes mais influencés de part et d’autre, avec des conséquences identitaires, esthétiques, économiques, religieuses, linguistiques, techniques, alimentaires, pour les parties conquises comme pour les parties dominantes.
En archéologie, et plus particulièrement en préhistoire, les données issues de la culture matérielle identifient des cultures archéologiques. Cette définition fait appel aux notions de limite culturelle, de frontière et de marge. D’un point de vue méthodologique ces limites définissent des espaces contigus qui enferment des communautés autonomes. Les contacts peuvent être dilués ou marqués, par exemple les limites entre les cultures de la fin du Néolithique dans le sud de la France au Néolithique final sont floues : les cultures matérielles s’interpénètrent. L’identité est de la sorte définie par une graduation d’un élément matériel (fossile directeur), souvent un type spécifique d’outillage ou de vase ou d’un ensemble de traits culturels associés (set ou package) comme dans le cas des cultures archéologique à large diffusion (Magdalénien, Campaniforme, Yahma, Cordé, à Amphore globulaire, etc.). Ces limites relèvent trois échelles possibles :
• au niveau de l’habitation la restitution palethnologique telle que définie par André Leroi-Gourhan permet de lire et de comprendre la répartition spatiale des tâches et l’organisation des espaces domestiques, comme dans le cas du site de Boussargues, dans la grotte Lombard dans le sud de la France, le site du Néolithique moyen de Concise (Vaud, Suisse) sur la rive du lac de Neuchatel, ou encore dans la grotte des Planches dans le Jura. Une lecture post-processuelle, par yan Hoder pour les cases de Chatal Huyuk, rend compte de frontières symboliques séparant les activités masculines et féminines.
• au niveau de l’habitat la division palethnologique s’étend à la distribution des cellules d’habitat. Elle peut être vue à travers la complémentarité des fonctions comme dans le cas des sites de plein air par la spécialisation de l’habitat en fonction des tâches, des métiers.
• au niveau de l’espace villageois défini par des relations fonctionnelles, des lieux d’activités, parcours et culture sont révélés par les écofacts pris sur les lieux de stationnement où à leurs périphéries, de même qu’un territoire d’approvisionnement et un espace d’échange, par la présence de matériaux constitutifs des constructions ou artefacts de provenance proche, éloignée et très éloignée.
Territoire exploité et territoire d’approvisionnement peuvent être déterminés par l’estimation ou la mesure des distances et du temps et de l’énergie nécessaires à atteindre des zones propices à la collecte de l’eau, aux cultures, aux gîtes de matières premières, au bois, et au nourrissage des animaux, en rapport aux sites d’habitation des humains voire des non-humains, et donc aux hauts lieux symboliquement forts. De tels espaces telluriques ou aériens, lieux terrestres, marins, fluviaux, lacustres, sacrés ou profanes, permis ou interdits (lieux cérémoniels, cimetières, domaines des génies, éventuellement loin des espaces d’habitation, parfois inclus dans le territoire revendiqué ou formant des enclaves neutres ou très marquées), de sols fertiles ou regorgeant de ressources attirantes animales, végétales ou minérales, ou de sols infertiles poussant soit au rejet, à l’évitement ou la fuite ou bien à l’adaptation novatrice et à la créativité, forestiers ou ouverts, nécessairement attractifs, composent une mosaïque territoriale, hétérogène ou homogène, qui évolue au cours du temps.
L’habitat et le territoire – notion qui sous-entend l’exclusion de l’étranger – se confondent au sein d’aires parcourues par une communauté. La notion d’aire culturelle recouvre une dimension sociale, esthétique, technique, fonctionnelle et politique, également souvent linguistique concernant les sociétés actuelles ou subactuelles récentes. Cette dernière pouvant être plutôt émique (point de vue intérieur) ou plutôt étique (exogène). Des lieux sont unis par la parenté des productions manufacturées, l’esthétique des productions symboliques (décor des poteries, statuaire et signes, pratiques funéraires, etc.) et par des convergences au niveau de la construction pour les vivants et les morts. Les constructions (villages en pierres, pierres levées, lieux funéraires, tombes mégalithiques) peuvent également être comprises comme des balises marquant le territoire d’une communauté. Dans une perspective élargie, les points marquant du paysage, cours d’eau, sommets, crêtes, vallons, forment aussi des points de repères sur lesquels s’axent les diverses composantes de l’espace villageois, par exemple dans le cas de Moïa de l’île de Pâques (Rapa Nui), avec ses hautes statues de tuff volcanique, décrites par Alain Cauwe, dressées face au volcan Raraku, ou dans celui des enceintes néolithiques du nord du Portugal bâties dans des points de vue ouvrant sur un paysage scénarisé. Une autre perspective fait appel à la notion de centre/périphérie. On entend ainsi la présence de place centrales lieux d’accrétion, de rassemblement, qui irriguent et organisent des territoires et des aires culturelles et d’autres lieux gravitaires comme les gîtes minéraux, les points d’eau, les fleuves et autres hauts lieux remarquables. Cette dichotomie s’applique aussi, d’un point de vue anthropologique aux domaines politique, culturel et symbolique sinon religieux avec des conséquences ontologiques possibles.
Les flux de distribution sont gérés selon des principes d’alliance et d’exclusion, comme par exemples les réseaux qui lient ou délient les entités territoriales : cas de la distribution des artefacts en cuivre, des silex valorisés provenant du Grand Pressigny en Touraine ou des ateliers de Vaisseux-en-Vercors, etc. Ces réseaux d’échanges peuvent aussi générer des réseaux d’exclusion telle la circulation préférentielle des vases en pierre dans le PPNB du proche orient, ou l’extension des styles de poteries chasséennes, cordées ou campaniformes en Europe. On peut raccorder à ce genre de paramètre les confrontations entre sociétés agricoles et non agricoles établissant des frontières quasiment étanches – ou paraissant telles – entre des aires culturelles voisines, comme dans le cas des sociétés de pêcheurs de Lepenski Vir sur les rives du Danube. Sur le plan anthropologique, outre les relations politiques et guerrières, on pense aussi aux cérémonies ostentatoires de la côte nord-ouest américaine, et aux réseaux de circulation, masculins et féminins, d’objets précieux, esthétiques ou alimentaires, du Pacifique, notamment ceux de la kula trobriandaise, de Nouvelle-Guinée et des Salomon révélés par Bronislaw Malinowski ou ceux ayant existé de même en Nouvelle-Calédonie à l’époque pré- et immédiatement postcoloniale. On pourrait aussi prendre en compte la distribution spatiale de catégories aléniques de l’ADN ancien humain ou animal. Ces réseaux, les exclusions de ces réseaux marquent des effets de frontières et des liens ou des évitements entre des cultures archéologiques contemporaines et leurs aires de répartition géographique, ainsi que, sur le plan anthropologique, les conséquences de telles rencontres et évitements engendreurs de particularismes notables qui restent, au moins un temps, des témoins remarquables de faits sociaux, culturels ou techniques, disparus ou transformés dans les matrices d’origine.
MCC
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- Régime d'évaluation
- ECI (Évaluation continue intégrale)
- Coefficient
- 1.0
Évaluation initiale / Session principale
| Libellé | Type d'évaluation | Nature de l'évaluation | Durée (en minutes) | Coefficient de l'évaluation | Note éliminatoire de l'évaluation | Note reportée en session 2 |
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Dossier | SC | A | 1.00 |