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La naturalité du sauvage en question : le débat autour de la wilderness dans la pensée américaine

 

Pour désigner l’idée d’une nature sauvage, les anglophones disposent d’un mot sans équivalent : celui de « wilderness ». Autour de l’idée de wilderness se sont rassemblés des philosophes (Thoreau, Emerson), des peintres (Thomas Cole, Frederic E. Church, Albert Bierstadt), des poètes (Walt Whitman, notamment). Un mouvement s’est créé qui, lancé par des militants (John Muir, Aldo Leopold, Robert Marshall, Sigurd Olson), s’est organisé en diverses associations (Sierra Club, Wilderness Society) pour la préservation des environnements sauvages.

Pour reprendre l’expression de Leo Marx, l’idée de wilderness est ainsi la « plus ancienne et la plus populaire variante américaine de l’idée de nature ». Elle n’a pas, pour autant, échappé à la critique. En 1989, la revue Environmental Ethics publie l’article d’un historien indien, Ramachandra Guha, qui juge la wilderness du point de vue du tiers monde : transportée hors d’Amérique, en particulier en Asie du Sud-Est, elle n’a pas tant conduit à protéger la nature qu’à créer, au détriment des populations locales, des parcs d’attractions pour Américains fortunés. En 1995, un article de l’historien américain de l’environnement William Cronon y voit une construction sociale : loin de désigner une réalité indépendante des hommes, la wilderness est une création humaine, typiquement américaine, plus précisément blanche, mâle et raciste. La wilderness est tout sauf naturelle, tout sauf sauvage : elle a une histoire, elle est le produit d’une civilisation. À son tour, John Baird Callicott, un des piliers de l’éthique environnementale américaine, s’engage dans une critique de l’« idée reçue de wilderness  ».

A l’heure de la mutation climatique d’origine anthropocénique et de la remise en question systématique du « grand partage » entre nature et culture, l’idée de wilderness, d’une nature sauvage a-t-elle définitivement vécue ? Peut-on encore maintenir cette idée comme cela semble être le cas dans de nombreux discours écologiques contemporains appelant par exemple à des formes de « rewilding » de la nature ? Ne doit-on pas chercher à préserver les potentiels écologiques de cette notion, suivant en cela l’intuition de Thoreau selon qui « all good things are wild and free » ?

C’est à l’histoire et à l’actualité de ce débat, profondément ancré dans la pensée américaine, que ce cours sera consacré.

Bibliographie

Bibliographie indicative

John Baird Callicott, Michael P. Nelson (eds.), The Great New Wilderness Debate, University of Georgia Press, 1998.

John Baird Callicott, Michael P. Nelson (eds.), The Wilderness Debate Rages On, University of Georgia Press, 2008.

John Baird Callicott, Ethique de la terre, Wildproject, 2021.

William Cronon, Nature et récits, Dehors, 2016.

Aldo Leopold, Almanach d’un comté des sables, Gallmeister, 2024.

Michael Lewis, American Wilderness: A New History, Oxford University Press, 2007.

Roderick F. Nash, Wilderness and the American Mind (Fifth edition), Yale University Press, 2014.

Henry David Thoreau, Marcher, Le Mot & Le Reste, 2017.