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Description

Le sauvage et le civilisé de Montaigne à Lévi-Strauss

 

Depuis la découverte des Amériques par les Européens, les observations sur les « sauvages » ont fourni l’instrument d’une anthropologie décentrée, traitant les faits humains dorénavant comme des faits sociaux.

Dans ce système de pensée où le sauvage et le civilisé se définissent l’un par rapport à l’autre, ces catégories sont révélatrices de problématiques philosophiques qu’il est important de contextualiser. Le sauvage, identifié au « primitif », est renvoyé à l’enfance de l’humanité, à un état originel recouvert par l’histoire. L’usage de ces catégories est loin d’être neutre, puisqu’il s’enracine dans le contexte de l’expansion européenne et de la colonisation. On y croise la question des races humaines et celle de l’esclavage, mais aussi celle de l’universalité de la religion.

On notera que, très tôt, les philosophes se sont confrontés au problème de l’ethnocentrisme et à la possibilité, offerte par la fiction, d’inverser les points de vue en exposant le jugement d’un sauvage sur le monde européen.

Deux représentations opposées coexistent au XVIIIe siècle. Le parallèle avec l’état d’innocence du paradis originel fonctionne comme une référence pour penser la corruption des peuples civilisés qui se sont éloignés de cet état idéal, tandis que l’image du sauvage stupide et féroce, proche de l’animalité, sert à valoriser les bienfaits de la civilisation. Des représentations concurrentes permettent ainsi tantôt de valoriser les Lumières qui ont fait sortir les hommes de l’ignorance et de la brutalité, tantôt de montrer, à l’inverse, des hommes qui ont su vivre sans s’éloigner de la loi de la nature.

Au XIXe siècle, se met en place un évolutionnisme historique fondé sur une loi unique de développement, base théorique sur laquelle va se greffer une justification du rôle « civilisateur » des Européens. La réfutation de ce schéma linéaire au profit d’une pluralité de modèles de développement posera ensuite la question de savoir si l’approche « particulariste » en anthropologie est à comprendre comme une remise en question de l’universalisme.

On notera que les « études décoloniales », quoique controversées, ont redonné récemment une vive actualité à ces questions.

Les textes étudiés en TD seront empruntés à des auteurs tels que Montaigne, Voltaire, Diderot, Comte, Lubbock, Frazer, Durkheim, Lévy-Bruhl, Mauss, Bergson, Lévi-Strauss, qui furent à l’initiative de dialogues féconds entre philosophie et anthropologie.

Bibliographie

Bibliographie sommaire

 

Michel de Montaigne, Essais, Livre I, ch. 31 (« Des cannibales »)., Folio Gallimard, 1965 (ou autre édition).

Louis Armand La Hontan, Dialogue avec un sauvage, éd. établie par Réal Ouellet, Montréal, Lux 2010.

Voltaire, Essai sur les mœurs et l’esprit des nations, Introduction, VII (« Des sauvages »), Garnier Frères, 1963 (ou autre édition, dont éd. en ligne).

Denis Diderot, Supplément au voyage de Bougainville (différentes éditions, dont éd. en ligne).

Auguste Comte, Cours de philosophie positive, 52e leçon, Paris, Hermann, t. II, 1975 [1841].

Sir John Lubbock, Les origines de la civilisation, chap. I et VIII, trad. Barbier, Germer Baillière, 1873 [1871], disponible en ligne.

Lucien Lévy-Bruhl, Les fonctions mentales dans les sociétés inférieures, Livre I, Paris, Alcan, 1910 (éd. en ligne sur gallica).

Émile Durkheim, Les formes élémentaires de la vie religieuse, Livre II, éd. PUF, coll. Quadrige, 2008 [1912].

Henri Bergson, Les deux sources de la morale et de la religion, chap. II, Paris PUF, coll. Quadrige 1984 [1932]

Claude Lévi-Strauss, Race et histoire, Paris, Gallimard, 1987 [1952].

Claude Lévi-Strauss, La pensée sauvage, Paris, Plon, 1962.